Une idiote au travail (12)

Publié le par arille

Baby Sitter pour quatre !

 

A quinze ans, je me suis mis dans la tête de travailler au mois d’août pour gagner quelques sous. J’ai trouvé un job de baby Sitter. Je devais garder quatre garçons de quatre à huit ans pendant un mois. Je me sentais de taille à me faire respecter, après tout j’avais une petite sœur de quatre ans. Mais quatre garçons, ça bouge plus qu’une petite sœur sage…

 

Le matin, je devais leur donner le petit déjeuner. C’était incroyable le nombre de tartines qu’ils pouvaient ingurgiter. Parfois, leur mère nous emmenait au lac, à la piscine ou dans un parc. Je passais mon temps à les regarder, à calmer leurs petites querelles, à les consoler quand ils tombaient. Je ne m’ennuyais pas une seule seconde.

 

Je devais aussi faire des choses qui me semblaient plutôt être réservées à une bonne, comme nettoyer les baignoires. Ce qui était incroyable aussi, c’est que les garçons avaient toujours besoin de prendre un bain, à toute heure de la journée. Mais ,j'attendais le soir. L’eau se teintait de noir et laissait quand elle filait des traînées terreuses. Je me disais qu’avec un peu de chance,  j’aurais un petit bonus de salaire si je récurais les baignoires, alors je les récurais de bon coeur.

 

Puis quand ma journée de travail était finie et que les gamins étaient encore propres et en pyjama, je me dirigeais vers ma superbe mobylette bleue turquoise pour rentrer chez moi. Le plus petit des garçons me courrait toujours après pour avoir un dernier bisou. Il zozotait en prononçant mon prénom et le mot bisou Irrésistible.

 

Parfois, quand nous étions au lac ou dans un jardin public, des garçons à peine plus vieux m’abordaient alors que je surveillais les quatre bambins. Ils me tapaient une petite causette. C’était peut-être un peu rassurant aussi pour eux, toute cette marmaille. Une sorte de drague sans conséquence. Je n’en garde aucun souvenir précis.

 

Quand nous restions à la maison, les quatre frères jouaient toute la journée dans le grand jardin. Nous nous interrompions juste pour les repas, les goûters, ou le soir pour le bain. Chez eux, ils étaient plus querelleurs. Les alliances et les fâcheries, à quatre, offraient d’infinies possibilités. J’arbitrais, calme et amusée.

 

Un événement pourtant me mit mal à l’aise et me fit réfléchir : la triste histoire du cochon d’Inde. L’animal, une boule rousse, menait pépère sa vie de cochon d’Inde. Mais le plus jeune garçon, mon préféré, avait un grand désir d’intervenir sur l'avenir du cochon d’Inde. J’essayai de lui expliquer que cet animal pourrait souffrir, qu’il fallait le manipuler délicatement et même si possible pas du tout. Autant demander à un gourmand devant un paquet de bonbons de se contenter de regarder. Ce qui arriva me troubla d’autant plus que malgré mes explications et mes conseils, l’issue, pour le pauvre cochon d’Inde, fut fatale : il fut manipulé une fois de trop. Nous organisâmes un très bel enterrement pour monsieur cochon d’Inde, avec des fleurs du jardin et même une petite croix. J’espérais juste que les parents attendraient que je sois partie pour acheter son remplaçant parce que je n’avais aucune envie d’organiser un deuxième enterrement. Ce soir-là, le petit tortionnaire eut quand même son bisou. Pour le cochon d’Inde par contre, le temps des bisous était fini.

 

La fin du mois arriva. J'avais nettoyé bien des baignoires mais, malgré mes espérances, je n’eus aucun bonus. Ce fut ma première leçon : dans le travail, on n’a jamais plus que ce que l’on demande ! Avec mon tout premier salaire, je m’achetai un superbe magnétophone qui nous servit longtemps, ma sœur et moi, à enregistrer les repas de famille.

 

Je ne renouvelai pas l’expérience de baby Sitter. Par la suite, la responsabilité de garder des jeunes enfants m’effraya toujours beaucoup plus que le mois d'août de cette année-là. Les gosses sont des bombes qui peuvent se déclencher  à tout moment.

Publié dans Révélations

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