Peau de con (1)

Publié le par arille la pie

Voici le premier chapitre de mon feuilleton.
Rendez-vous tous les mardis si le coeur vous en dit mes chéris !

 

 

Ils avaient l’habitude de dire qu’ils enfilaient leur peau de con. Ils faisaient mine d’enfiler une cagoule invisible qu’ils ajustaient sur leur visage en riant. Ils appelaient ça leur peau de con. Au fur et à mesure que la cagoule descendait, ils prenaient un air plus bestial. A la fin, leur expression hilare devenait patibulaire. C’est comme ça qu’ils travaillaient, avec leur peau de con. Peut-être qu’ils ont eu de plus en plus de mal à l’enlever et qu’elle leur est restée.

 

 

Big Boss avait de la surface. Quand il tenait un bloc format A4 on aurait dit que c’était du A5. Il me demanda lors de mon entretien d’embauche de quel signe j’étais, puis de quelle ascendance. Pour le taureau je savais, pour le reste je n’en avais aucune idée. Mais cela lui suffisait, il s’entendait bien avec les taureaux. Il me présenta à l’équipe.

J’ai travaillé pendant plus d’un an avec David, mon adjoint. Ma venue l’ennuyait parce que cela rajoutait un intermédiaire hiérarchique entre lui et le directeur général. Avant, il s’adressait directement à Big Boss tandis qu’après, il devait passer par moi qu’il savait moins bien manipuler et avec qui il n’avait pas les mêmes prétendues relations amicales.

J’ai vite compris que ce type, sympathique au premier abord et même drôle par moment, s’y prenait mal sur le plan professionnel. Il se laissait facilement influencer, il était paresseux et routinier. Il m’a expliqué son travail comme s’il le faisait le mieux du monde et quand j’émettais des doutes ou posais des questions il se montrait surpris. Par exemple, il possédait plus de documentations de la concurrence que de l'entreprise. Au lieu de m’expliquer les produits et les services que nous proposions, il me parla longuement de ceux des concurrents. Il en était obsédé. Je trouvais ça idiot. Il se focalisait inutilement sur les avantages de la concurrence et cela le pénalisait pour travailler sur nos produits. Il avait un visage rond et mou, idéal en amour comme en politique. Une sorte de Marlon Brando toulousain en plus ordinaire. Son contact agréable plaisait beaucoup aux jeunes femmes. Il y mettait plus d’énergie que dans son travail. Je me souviens d’une réunion de travail qui nous aligna autour d’une table, lui, une jeune responsable de station de radio et moi. Je n’en ai pas la certitude mais j’ai eu l’impression qu’ils se faisaient du pied sous la table tandis que le contenu de notre réunion se diluait dans un profond ennui, du moins pour moi.

 

La culture d’entreprise voulait qu’on se montre méchant de préférence, agressif dès que possible et grossier en général. On parlait bites, on montrait son cul et si l’on était à l’hôtel, bien sûr payé par la boite, on ne revenait jamais sans un trophée (il faut comprendre sans voler un objet, de valeur si possible). Ou bien on pouvait aussi casser, selon l’envie du moment. Mais un jour que nous nous déplacions en voiture pour visiter une agence, une petite ombre blanche traversa la route et David freina pour éviter d’écraser ce qu’il crut être un oiseau. Après cela, un silence gêné s’installa dans la voiture comme s’il avait trahi la ligne du parti. Un vrai de vrai aurait foncé.


  Envie de savoir la suite ? Rendez-vous mardi même heure même lieu !

Publié dans Lectures

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article